Giverny | Stèle des Aviateurs Britanniques

Publié dans Stèle des aviateurs britaniques

Inauguration de la « Stèle » en hommage aux aviateurs britanniques et remise de médailles aux démineurs
1940 – GIVERNY – Claude MONET.
Discours d’inauguration de Mr. Guy Colombel, Maire de Giverny.

Je remercie de leur présence :
Monsieur le Préfet
Squadron Leader FLYNT, de la Royal Air Force,représentant de l’Ambassade de Grande Bretagne
Monsieur GILARD, Député-Maire des Andelys
Monsieur MIRAUX, Sénateur-Maire de Vernon, Président de la CAPE
Madame LIDOME , Conseillère Régionale
Monsieur JOUYET, Conseiller Général
Et nos invités, que nous sommes très honorés de recevoir
Les membres des familles des Aviateurs disparus : Mrs PEACOCK et Mr MAUDE
Monsieur GAUDIN, Sous-Préfet des Andelys
Colonel DOMERGUE Commandant en second de la Base 105 d’Evreux présent en qualité de représentant du Délégué Militaire Départemental
Monsieur DYEVRE, Sous-Directeur du service opérationnel de déminage
Messieurs les Démineurs
Capitaine LERAVALLEC, commandant la Compagnie de Gendarmerie des Andelys
Adjudant DESREVEAUX, représentant la Brigade de Gendarmerie d’Ecos
Madame LEJEUNE PICHON représentante de la Royal Air Force Association
Monsieur MILLER représentant la British Légion
Monsieur LUCAS représentant la 115e Squadron Association.
Monsieur HUARD Président de l’Association Normande du Souvenir Aérien
Monsieur FRANCART représentant l’Union Nationale des Combattants
Madame GACOIN représentant les Médaillés Militaires
Mesdames et Messieurs les élus

Mesdames Messieurs,
Jeudi 8 juin 1944
00 h 15 : les moteurs des 18 Lancasters vrombissent. La mission de cette nuit doit les conduire sur Chevreuse (Yvelines). Le vent est d’Ouest (5 miles par heure). La température atteint les 0° à 8 000 pieds. La visibilité est de 10 miles.
00 h 20 : les premiers bombardiers s’élancent sur la piste de décollage, emmenant dans leurs soutes, chacun, 18 bombes de 500 livres.
00 h 40 : la formation s’assemble et met le cap plein Sud, sous les ordres du Wing Commander R.H. Annan.
01 h 00 : les falaises du Pays de Caux sont en vue.
C’est alors que la chasse de nuit allemande entre en action. Elle est particulièrement meurtrière cette nuit là.
La Luftwaffe qui ne peut affronter les forces aériennes alliées en plein jour sans subir de lourdes pertes, conserve tout son mordant lors des interceptions nocturnes.
Les forteresses sont bientôt assaillies. Plusieurs d’entre elles sont touchées sur le trajet de l’aller. Parmi elles, le Lancaster MKI « H.LL.864 » prend plusieurs obus. Il doit bientôt quitter la formation, moteur en feu. Le Captain (Pilot Officer) R.P. Maude tente de se dérober pour rentrer sur l’Angleterre.
Les chasseurs allemands en décident autrement et s’acharnent alors que le Lancaster survole le Vexin suivi d’une langue de feu.
Il n’y a plus rien à faire ; l’avion est trop bas pour que l’équipage espère sauter en parachute. Frôlant la cime des arbres du Bois de la Réserve, l’appareil passe au-dessus de Giverny et vient s’écraser dans la plaine des Ajoux, quelques dizaines de mètres avant la Seine. L’avion se brise en de multiples morceaux. Les sept membres d’équipages trouvent la mort en terre française.
Le gros de la formation parvient sur l’objectif et largue son chargement.
04 h 03 : 12 appareils, sur 18, se posent à Witchord. Un tiers du groupe s’est abîmé en France ou dans la Manche. Au lever du jour, Les Givernois découvrent ce qui reste du Lancaster. Les corps très mutilés sont retirés des débris. Ils reposent désormais dans une tombe commune dans le cimetière. Quelques jours plus tard, 4 bombes qui avaient subi le « crash », exploseront, rendant les abords peu sûrs.
Deux jours à peine après l’annonce du Débarquement allié en Normandie, Giverny rencontre le terrible visage de la guerre sur son sol.
Parmi les tombes, en surplomb du monument aux Morts, l’une se distingue par son dépouillement et sa simplicité.
Elle abrite les sept membres de l’équipage du Lancaster H.LL 864, du 115e Squadron, tués le 8 juin 1944.

L’équipage était le suivant :
Officer Ronald MAUDE – Pilot Commandant de bord – 21 ans
Flying Officer Ronald TOVEY – navigateur.
Pilot Officer Harold FOSTER – bombardier – 31 ans
Sergeant Alan ANDERSON – mécanicien
Sergeant Jack FYFE –opérateur radio/mitrailleur – 22 ans
Sergeant Kenneth PENTON – mitrailleur – 20 ans
Sergeant Robert SUTHERLAND – mitrailleur – 20 ans

Tous les sept sont réunis dans la même tombe.
Leurs âges respectifs sont là pour rappeler le sacrifice consenti par une génération débordante d’énergie, fauchée brutalement par les tourments de la guerre. Giverny garde en sa terre le signe indélébile du service poussé jusqu’au sacrifice de sa propre vie par les hommes des forces alliées.
La tranquillité et le calme des lieux invitent à méditer. Comme il doit être difficile d’avoir du courage lorsqu’on risque à la fleur de l’âge de mourir pour une terre que l’on ne connaît pas, qui n’est pas son sol natal, de mourir pour un pays qui ne parle pas la même langue, pour des gens qui ne sont pas des compatriotes. Givernois d’aujourd’hui, soyez en admiration devant la détermination, devant le sacrifice de ces hommes. Ils se sont battus pour nos libertés, ils se sont battus pour nous.
Ce fut une grande aventure, nous espérons que le sacrifice de ces hommes pour la reconquête de la liberté ne sera pas vain et que la jeunesse d’aujourd’hui et de demain prendra exemple sur leur qualité de cœur et de courage. Ayons une pensée émue à leur mémoire et une pensée reconnaissante à ces libérateurs, Britanniques, Canadiens et Américains, à tous ceux qui sont morts et notamment à ces 7 aviateurs britanniques abattus le 8 juin 1944 pour que nous vivions libres aujourd’hui. Cette stèle que nous inaugurons est le symbole du sacrifice des aviateurs alliés tombés sur le champ de bataille du monde entier, loin de chez eux, loin de leur patrie. Je remercie très sincèrement toutes les personnes qui nous ont aidés à mener à bien ce projet. Cette stèle, simple et discrète, ne se veut pas une décoration, elle n’est qu’un hommage, mais sa beauté existe : celle du cœur, de la reconnaissance et du respect.
Je vous remercie de toute votre attention.
20 janvier 2007

1940-GIVERNY-Claude MONET. (Rapports France/Etas-Unis).
En 1940, au moment de la ruée allemande, le pays est naturellement vide d’Américains. Les habitants eux-mêmes ont fui à l’approche de l’ennemi. Mais si Vernon, à cinq kilomètres, tête de pont sur la Seine, a bien souffert des bombes incendiaires, les maisons de Giverny n’ont pas été touchées. Puis c’est l’occupation, le bruit des bottes et des camions qui passent jour et nuit. Aussitôt démobilisé, j’allai voir mon village. Très inquiet, sachant Mme Jean Monet en Auvergne, je courus chez elle pour y constater les dégâts. Dans la grande salle aux japonaiseries, signe du passage récent des occupants, les matelas étaient encore par terre, la table mise. Le vieux jardinier du Maître vint à moi. « Ah, c’est vous, monsieur Pierre ?
Que s’est-il passé : ont-ils volé les toiles ?
Ne m’en parlez pas, me dit-il. Ah ! les bandits ! ils m’ont mis un revolver sous le nez pour me faire ouvrir la maison !
Mais les toiles ?
Ah ! les toiles… Il eut un geste vague de la main semblant dire : s’il n’y avait que cela !… De plus en plus inquiet, je lui demandai des explications.
Savez-vous ce qu’ils ont fait ? me dit-il alors que je l’écoutais, haletant, et il m’entraîna dans la grande allée du jardin aux fleurs. Ils sont venus en camions et là, oui, monsieur, ils ont tourné dans les bégonias !… Les larmes me vinrent aux yeux tant cette, conscience professionnelle de jardinier était touchante.
Mais, lui dis-je, énervé et en appuyant sur les syllabes : « Ont-ils volé des toiles ? »
Oh ! je ne crois pas. Pas de « Monsieur », tout au moins ; et l’on sentait que, pour lui, il n’y avait qu’un peintre, c’était « Monsieur ». Les autres…
J’en ai trouvé deux là, contre l’arbre, me dit-il, comme si la chose n’avait point d’importance ; elles sont à la cuisine. J’y courus ; c’étaient deux magnifiques Pissaro !…
Heureusement, Giverny, trop près de Vernon, ne fut point une halte et les Allemands y séjournèrent rarement. Les Givernois sont tous de la Résistance et à la mairie, le tableau de Louis Rittman, représentant l’amitié franco-américaine, est toujours à sa place. Il n’est pas de jour où l’on ne vienne demander à mon frère (marié à la fille de Butler) des nouvelles de Jim Butler, parti pour les Etats-Unis en 1940. Un matin, un gars du pays accourt :
Vous l’avez entendu ?
Qui ?
jim, il a parlé à la T.S.F., de New-York sur Giverny et les Américains en France.
Puis, c’est à nouveau l’attente. Cependant les attaques par avions sont de plus en plus nombreuses, les tirs antiaériens plus violents. Une forteresse volante, énorme météore de feu vrombissant s’écrase dans la commune, et… c’est le débarquement, les dernières bouteilles que l’on vide et, de nouveau, l’anxiété et l’incertitude de la guerre. Giverny suit avec émotion l’avance des Américains. Le bruit du canon se fait entendre de plus en plus rapproché. Le pont de Vernon, bombardé par les « Marauders », croule dans l’eau et la nouvelle arrive que les G. I’s sont de l’autre côté de la Seine. On n’ose y croire et pourtant, des jeunes gens qui ont réussi à passer en barque reviennent avec des cigarettes au goût de miel. Pendant quelques jours d’attente anxieuse où le canon tonne, les Givernois aménagent les caves. Enfin, c’est presque un soulagement, tant les nerfs sont à vif, quand les premiers obus sifflent sur le village ; la poussière des bombardements traîne sur la campagne ; les Alliés qui ont constitué une tête de pont sur la Seine à Vernon, avancent, mais quelques Allemands s’accrochent à Manitot, le hameau cher à Carpentier. Pendant trois jours, la vallée résonne des éclatements, et puis c’est le silence ; le grand vide des « no man’s land ». Enfin, arrivent les Anglais, la figure tirée, mitraillette au poing, qui fouillent le terrain. C’est fini, le « Wiltshire Regiment » a délivré Giverny.
Depuis le débarquement en Normandie, ces Anglais n’ont pas eu de repos ; aussi, alors que les blindés foncent en direction du Nord, l’une des compagnies qui a délivré le pays y reste-t-elle pendant dix jours, fêtée par les habitants qui relèvent leurs ruines. La plupart des maisons sont atteintes, bien des ateliers démolis. Les grandes verrières de l’atelier que Claude Monet avait fait construire pour peindre les Nymphéas de l’Orangerie n’ont pas résisté et les éclats de verre jonchent le sol. La chambre du Maître n’a pas été épargnée : un éclat a traversé une toile magnifique de Berthe Morizot, des douzaines d’études ont été transpercées par des éclats de verre, Giverny ne compte heureusement que trois morts, c’est trop pour le village en deuil, mais c’est peu en comparaison des obus tirés.
Puis les hommes du « Wiltshire Régiment » partent pour d’autres combats. C’est alors qu’arrive en « jeep » le premier « Américain du pays », en tenue d’officier aviateur. Avec un humour tout anglo-saxon, il raconte comment, faisant partie de l’escadrille bombardant le pont de Vernon, il n’a jamais eu si peur de sa vie ! Alors que très étonnés, nous lui faisons remarquer qu’il n’y avait guère de tirs antiaériens ni de chasse et qu’il a dû connaître des bombardements plus dangereux : « Ce n’était pas de la chasse que j’avais peur », nous répond-il en souriant, « mais de Chloé, ma femme. Si j’avais mal réglé mon bombardement et démoli Giverny, j’en aurais entendu de belles en rentrant… Jamais je n’ai couru si vite et attendu plus anxieusement le développement des photographies prises au cours du bombardement. Je n’ai vraiment respiré qu’en voyant les clichés. »

© Extraits de : Rapports France – Etas-Unis