Giverny | Claude Monet et Durand Ruel
Cela fait déjà onze ans que Claude Monet et Paul Durand-Ruel se connaissent et travaillent ensemble, lorsque le marchand écrit à l’artiste le 26 mai 1882, « Mon cher Monsieur Monet, (…) Vous avez des fleurs et des arbres superbes devant les yeux à cette époque de l’année. Ne laissez pas échapper ce précieux moment. Si votre maison de Poissy vous porte malheur et vous rend tous malades, il y a un moyen bien simple d’y porter remède. C’est de la quitter et de vous installer ailleurs. Il vaut mieux perdre quelques loyers et conserver sa santé. »
L’année suivante, en 1883, Monet s’installe à Giverny. Giverny devient alors le lieu créatif que l’artiste ne cesse de faire évoluer : le jardin qu’il dessine, les serres qu’il crée, les plantes qu’il choisit, les ateliers qui se succèdent… et, bien sûr, les chefs d’œuvres que ces lieux lui inspirent.
Troisième atelier de Monet, photographie prise à Giverny en novembre 1917 par Joseph Durand-Ruel (fils de Paul Durand-Ruel).
Giverny est glorifié par Monet grâce à ses coquelicots, ses prairies, ses nymphéas, ses meules de foin, ses ponts japonais… Ces paysages voyageront et seront reconnus plus tard internationalement grâce, entre autres, à son marchand et ami, Paul Durand-Ruel.
Paul Durand-Ruel, qui défend le travail de Monet depuis leur première rencontre à Londres en 1871, n’hésite pas à présenter aux Américains dès 1886 des toiles des artistes impressionnistes, dont des oeuvres peintes par Monet à Giverny tel que, entre autres, Paysage à Giverny, Les Coquelicots , La Seine à Giverny , Le Printemps à Giverny. Monet est alors, en réalité, très inquiet de voir ses tableaux partir dans le pays des « Yankees », mais fait confiance à son marchand à qui il confie ses toiles. Paul Durand-Ruel, dont l’idée est « de révolutionner le Nouveau Monde en même temps que l’Ancien » comme il l’écrit à Pissarro le 19 mai 1883, a finalement raison. Sa première exposition en 1886 à New York est un succès ; les artistes impressionnistes reçoivent leur première consécration officielle. Les tableaux de Monet, Manet, Morisot, Renoir, Pissarro, Cassatt, Degas, Boudin, Sisley, entre autres, sont enfin appréciés.
Les premiers collectionneurs des peintres impressionnistes sont les américains ; tels que, par exemple, les familles Havemeyer, Vanderbilt, Davis, Spencer, Lawrence, Kingman, ou les familles Potter Palmer et Ryerson de Chicago, ou encore les familles Crocker de San Francisco.
Peu à peu, le regard des Européens se forme et ils commencent à reconnaître le talent qui se dégage de ces toiles jugées « non finies ». Durand-Ruel multiplie les expositions et les paysages de Giverny sont présents dans nombreuses d’entre elles grâce aux chefs d’oeuvres de Monet. Parmi ces expositions prestigieuses, citons celle organisée en 1909 dans la galerie parisienne du marchand, offrant à l’œil du spectateur une série de Nymphéas , soit 48 paysages d’eau peints dans le jardin de l’artiste. Le Tout – Paris s’y pressera et l’écrivain Jules Renard notera dans son journal intime : « C’est trop joli : la nature ne donne pas çà…. ».
Photographie de l’un des salons de l’une des nombreuses expositions des oeuvres de Claude Monet organisées par Durand-Ruel. Cette photographie prise dans la galerie Durand-Ruel à New York, exposition du 1er au 16 février 1915, présente, sur la gauche, un tableau illustrant le Bassin aux nymphéas et le Pont japonais de Monet à Giverny. © Archives Durand-Ruel.
Photographie prise à Giverny chez Monet par Joseph Durand-Ruel (fils de Paul Durand-Ruel) ; de gauche à droite : Germaine Hoschedé (belle-fille de Monet), Madame Joseph Durand-Ruel, Lili Butler petite-fille de Monet, George Durand-Ruel (frère de Joseph) et Claude Monet.
Giverny, source d’inspiration incessante pour nombre de ses magnifiques tableaux, est aussi, pour Monet, le cocon familial où l’artiste n’hésite pas à recevoir amis et proches ; tels des colonies de peintres français et étrangers, un de ses plus fidèle admirateur le président Georges Clemenceau, mais aussi très souvent la famille Durand-Ruel.
Ces visites se prolongent aujourd’hui, de manières variées mais avec toujours autant d’enchantement, grâce à la magie du lieu que représente la maison de Monet à Giverny et grâce aussi au Musée Américain, dont le jardin, d’un style cependant différent, rivalise de beauté avec celui de Claude Monet.
Les nymphéas, qui ont tant fasciné Monet, sont aujourd’hui parmi les tableaux les plus recherchés des collectionneurs.
Textes © Archives Durand-Ruel.