Giverny | Sentier de l’Astragale
PÂTURAGE D’HIER ET D’AUJOURD’HUI
La culture de céréales avec des variétés rustiques de blé ou d’avoine, associée à l’élevage de moutons se pratiquait couramment. L’élevage bovin trouvait également sa place sur les coteaux les moins pentus, car ce sont des animaux moins agiles et plus lourds que les moutons. de nos jours, toutes ces pratiques traditionnelles ont disparu et les coteaux ont été progressivement abandonnés. Le Conservatoire des Sites Naturels de Haute-Normandie a entrepris depuis l’hiver 2002 la remise en place du pâturage ovin à Giverny. Le choix s’est porté sur les moutons car ce sont des animaux légers (ils défoncent donc peu le sol) que l’on peut conduire de manière itinérante. Deux races rustiques adaptées à ces milieux sont utilisées : les MERGELLAND, à laine longue, et les SOLOGOTES, à la tête fauve. Ce troupeau est accompagné d’un berger et de son chien un BORDER COLLIE.
COMME A LA MONTAGNE
Carte de la colinne (.pdf). De cet endroit on observe un phénomène que l’on retrouve dans les régions montagneuses : une végétation étagée. Même si le contraste est moins frappant à Giverny, on peut tout de même distinguer, de bas en haut : la prairie(1), composée de hautes graminées*, puis la pelouse fermée(2), végétation moins haute mais toujours dense, et enfin, en haut de pente, la pelouse dite ouverte(3), où le sol est visible et la végétation rase. A cela s’ajoutent les pelouses écorchées(4), là où le sol, peu épais et mélangé à des morceaux de craie, semble retourné. Chaque type de pelouse aura son cortège végétal caractéristique. Le plateau est généralement boisé ou cultivé(5). Seules les pelouses de montagne à des altitudes supérieures à 2000 mètres sont naturtelles. Ici, les pelouses sont d’origine humaine. Ainsi, dès le Néolithique, les hommes ont défriché la forêt pour cultiver et faire paître leurs troupeaux sur les coteaux. Après abandon de ces pratiques, certaines pelouses se sont maintenues grâce à la présence d’animaux sauvages : les lapins et les chevreuils. En broutant et en sillonnant ces pentes herbeuses, ces animaux concourent à maintenir l’herbe rase. Mais dans bien des cas, le coteau vient à se boiser. C’est pourquoi le pâturage ou le fauchage sont indispensables pour sauver ces milieux. Les pelouses sont parsemées d’arbustes. certains oiseaux aiment se poser à leur sommet pour chanter, surveiller leur territoire ou chasser. D’autres se réfugient dans ces buissons épais pour s’y cacher ou faire leur nid. Ces bosquets sont également de véritables garde-manger puisqu’ils fournissent des baies plus ou moins sucrées pendant une bonne partie de l’été et de l’automne.
Les MURGERS. Le monticule de pierres que vous venez de traverser résulte des activités agricoles du passé. En effet, les champs, et en particulier les vignobles, étaient régulièrement épierrés : les silex étaient ramassés, transportés à dos d’homme en dehors des cultures, et disposés en tas appelés murgers. Si les coteaux ne sont aujourd’hui plus exploités, le plateau fait encore l’objet de cultures céréalières et fruitières. La proximité des champs permet à une autre végétation de s’installer sur ce murger recouvert de lierre. En effet, les sols sont enrichis artificiellement avec des engrais, grâce auxquels des végétaux nitrophiles* se développent, comme l’ortie, le gaillet gratteron et le sureau. Dans la suite du parcours, vous longerez un autre murger, cette fois-ci colonisé par une toute autre végétation. Notez par exemple la garance voyageuse, qui dissémine ses grappes de graines grâce à ses feuilles agrippantes et sa tige munie de crochets ou l’Orpin âcre, petite plante grasse aux fleurs jaunes chatoyantes qui fait des réserves d’eau dans des feuilles épaisses.
LES ORCHIDEES REINES DES PELOUSES
Au cours de votre petite incursion dans cette pelouse, vous reconnaîtrez facilement quelques-unes des très nombreuses orchidées présentes à Giverny, aux noms souvent évocateurs. Ces fleurs spectaculaires ont un mode de vie bien particulier. En effet, pour germer, la graine d’orchidée doit obligatoirement s’associer à un champignon microscopique. Celui-ci apporte à l’orchidée l’eau et les sels minéraux en échange, la plante lui fournit les sucres qu’il est incapable de synthétiser. Chaucun des partenaires est gagnant : on appelle ce type de relation symbiose. De plus, vous pouvez remarquer que la forme de certaines fleurs d’orchidées ressemble beaucoup à des insectes. il arrive même parfois qu’un mâle, attiré par les phéromones* de la fleur, la prenne pour une femelle de son espèce et tente de s’accoupler avec ! De nombreux insectes visitent ces fleurs ( fourmis, papillons, abeilles, bourdons…), et, en se nourrissant de nectar ou simplement en se posant dessus, emportent avec eux les pollinies, petits sacs collants contenant le pollen. Les insectes, voyageant de fleur en fleur, vont permettre ainsi la fécondation des orchidées. la plupart de ces plantes supportent assez bien un pâturage modéré par les moutons : si elles sont broutées, leur bulbe souterrain leur permettra de repousser l’année suivante.
LES FONTAINES AUX FEES
Les arbres en cépée* qui vous entourent ont une forme particulière : les troncs de chênes forment à leur base une cuvette, qui se remplit d’eau et peut servir d’abreuvoir et de baignoire pour les oiseaux. Cela forme aussi un mini ecosystème*. On appelle parfois ces cuvettes naturelles des Fontaines ou des Miroirs aux Fées. Un bois mort pleine de vie… Le bois où vous vous trouvez est parsemé d’arbres morts laissés sur place. Le bois mort est un milieu de vie pour de nombreuses espèces : champignons, insectes saproxylophages*, chauve-souris… Des oiseaux comme le Pic-vert ou le Pic épeiche se nourrissent de ces insectes en creusant le bois avec leur long bec robuste et les délogent grâce à leur longue langue. Ce type d’habitat bien particulier est en régression, car la gestion actuelle de nos forêts en tient rarement compte. Par ailleurs, vous avez pu voir des levées de terre en sous-bois qui constituent un autre vestige des cultures passées : les douves. Aujourd’hui gagnées par la végétation, ces terrasses avaient été façonnées par l’homme afin d’adoucir la pente des coteaux, pour la culture de la vigne notamment. cela marque également les limites de surfaces autrefois cultivées.
UNE MOSAIQUE DE COULEURS. Cette partie du coteau est très abrupte et on peut apercevoir de la craie qui affleure par endroits. Sur ces sols très pauvres et secs, car incapables de retenir l’eau, se développe une flore* particulière qui forme les pelouses karstiques. Au cours de l’année, vous verrez une succession de fleurs qui tapissent ce coteau : l’une des premières est l’Anémone pulsatille, puis l’Hélianthème des Apennins, l’élégant Lin à feuilles ténues, l’Ail à tête ronde qui ponctue la pelouse de violet et l’Aster linosyris, qui lui, fleurit jaune et assez tardivement en septembre. Levez les yeux et vous verrez peut-être un rapace planant haut dans le ciel. Ce peut être la Buse variable, le Faucon crécerelle, dont le vol sur place est caractéristique, ou la Bondrée apivore. Cette dernière nous rend visite à la belle saison et passe l’hiver en Afrique tropicale. Elle se nourrit de reptiles, de larves et de nids de guêpes qu’elle écrase à terre.